1978, Pathé Marconi EMI / 2010, EMI Music
Les destinées des groupes rock sont parfois étranges. À écouter ce tout premier album du « groupe efficace et dynamique dans une société saine » qu'était Starshooter, il est difficile de ne pas se demander par quel mauvais sort ces Lyonnais se sont rapidement fait distancer par les Parisiens de Téléphone, dont le premier 33 tours était sorti quelques mois auparavant. Signées chez la même maison Pathé Marconi, les deux formations balancent un rock chanté en français qui secoue sans vergogne la lassitude d'une société encore trop corsetée, malmenée par les crises économiques et aspirant de plus en plus à l'alternance politique. Une première différence assez évidente entre les deux groupes tient à leurs textes : là où Téléphone traite consensuellement du mal-être de la jeunesse, Starshooter aborde le même thème à travers un humour féroce et ravageur, voire clivant, au point de s'aliéner sa maison de disques en dénonçant dans la chanson Get baque la « musique de merde » des Beatles, alors distribués en France par Pathé (1). Mais c'est leur évolution musicale qui provoquera le décrochage des fans de la première heure, sans réussir à gagner suffisamment un nouveau public : alors que Téléphone s'affirme sans surprendre avec son deuxième album Crache ton venin (1979), celui de Starshooter, Mode, paru la même année, s'ouvre déjà à d'autres styles déroutants (new wave genre Devo, disco), élargissement qui se poursuivra encore. Dommage pour la brève existence de Starshooter, et tant mieux pour la carrière solo poursuivie par son chanteur Kent. Il n'en demeure pas moins que les chansons du premier album confirment amplement l'efficacité vantée par son slogan : les quatre trublions ne manquent ni d'énergie ni de riffs inoubliables pour livrer un rock échevelé et jouissif, dont par exemple Quelle crise baby, Jennie, Betsy Party, Inoxydable et une reprise ô combien revigorante du Poinçonneur des Lilas de Serge Gainsbourg.
6 mars 2023
(1) Ce titre est sorti dans un 45 tours retiré des ventes au bout d'une semaine et ne figure pas dans le premier album, où il est juste mentionné en lettres barrées pour bien signifier qu'il a été censuré. Il ne réapparaîtra que dans la réédition de 2010.
Passage en playback à une émission télévisée française, le 21 mai 1978.
Vidéo éditée par david euthanasie.
1978, Pathé Marconi EMI / 2010, EMI Music.