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Musicabrac / Je m'voyais déjà en haut de l'affiche

Dans la chanson Allongés sous les vagues de Renaud (1988), son « producteur » explique en voix off comment rester plusieurs semaines n° 1 au Top 50 : il suffit d'acheter 400 000 exemplaires du disque la première semaine, au supermarché avec son « caddish », et la semaine d'après, comme on est ainsi n° 1, on en vend 1 million ! Manifestement, la recette s'adapte parfaitement à l'ère du streaming.

Image des Grammy Awards.

Image des Grammy Awards.
Photo : Recording Academy.

Voici quelque temps déjà, le Centre national de la musique (CNM) a publié une étude portant sur la manipulation des écoutes en ligne. Sachant qu'en France, le streaming génère plus de 500 M€ de revenus annuels, soit 70 % du total des recettes musicales, la multiplication des fausses écoutes est passée du stade de la tentation à celui d'une réalité. Premier enseignement : tout le monde triche, à commencer par les artistes les moins connus qui veulent ainsi accroître leurs chances d'exister. Au total, entre 1 % et 3 % des écoutes sont fausses, soit entre 1 et 3 milliards de streams en 2021. C'est un minimum, car il s'agit là des seules fraudes détectées par les plateformes et toutes n'ont pas accepté de livrer leurs chiffres (1). Deuxième enseignement : aucun genre n'échappe à la tentation, mais de par sa prédominance dans l'écoute française en streaming, le rap semble le plus concerné (84,5 % de l'ensemble des fraudes constatées chez Spotify, 27,7 % chez Deezer). Enfin, cette étude circonscrite à la France montre que la quasi-totalité des écoutes frauduleuses détectées par les plateformes concernent les nouveautés (96 %) et le catalogue français (93 %).

Le CNM met en avant deux conséquences de toute cette fraude : d'abord la baisse mécanique de revenus qu'elle engendre pour les musiciens honnêtes, ensuite le climat de méfiance qui gagne la profession vis-à-vis de l'indicateur des écoutes en ligne. Aussi avance-t-il l'idée d'une charte interprofessionnelle de prévention et de lutte contre la manipulation des écoutes en ligne. Il suggère également de ne pas rechigner à s'assurer le concours des pouvoirs publics, à savoir le pôle d'expertise de la régulation numérique (Peren) et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Une actualisation de l'étude est annoncée pour 2024.

30 juin 2023

(1) Deezer, Qobuz et Spotify ont apporté leur concours à cette enquête, à la différence d'Amazon Music, d'Apple Music et de YouTube.

Sources : Faux streams, vrai phénomène : le CNM, avec les professionnels pour lutter contre la fraude (communiqué du CNM, 16 janvier 2023) ; Manipulation des écoutes en ligne – Année 2021 (étude du CNM, 16 janvier 2023).

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© René-Luc Bénichou / 2005-2024. Page éditée le 28 janvier 2024.